ALLOCUTION DE CAROLE MOREIRA LORS DE L'AG DU 18 JUIN 2021


Chers(es) Délégués(ées),

Cette année nous laisse encore sur une touche amère, celle de ne pouvoir organiser une rencontre militante à l'occasion de notre Assemblée Générale.
Cette situation qui perdure depuis plus d’un an nous prive de démocratie, socle sur lequel nous avons bâti nos luttes et combats menés pour accompagner notre population mutualiste.
Cette pandémie sans précédent aura vu disparaître plus de 3 millions de personnes dans le monde.

Nous ne sommes pas simplement dans le cadre d’une crise sociale, elle est de fait sociétale et a des répercussions lourdes de conséquences.
Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur la crise sanitaire de la Covid-19 et sa gestion, rendu public le 10 décembre dernier est d’une clarté sans concession.
Les Sénatrices et les Sénateurs qui ont mené des dizaines d’auditions et d’enquêtes décrivent « Un pays mal préparé et mal équipé ». Ils déplorent « Une gouvernance nationale complexe et peu lisible » qui s’avère dépassée par la crise.
Ce n’est pas l’intervention, d’un cabinet de conseils scientifiques payé à prix d’or pour élaborer une stratégie vaccinale qui va nous rassurer.

Mais aux premiers jours de 2021, chacune des raisons d’espérer sont aussi des raisons de nous mobiliser.
Face aux défaillances sur la stratégie des masques et des tests dans le cadre de la campagne vaccinale, aujourd’hui plus qu’hier il est primordial d’afficher que la santé est bien un droit et que la vaccination doit être un bien commun !
Nous Mutualistes sommes légitimes à le revendiquer et ce, pour l’ensemble de la population.

Avec la crise, l’égalité professionnelle risque, encore une fois, de passer au second plan, pourtant il y a des leviers d’actions prioritaires comme :
- Exiger que l’index de l’égalité soit revisité très rapidement,
- Obtenir des négociations dans les branches et la fonction publique en vue de la revalorisation des professions ultra-féminisées si essentielles et pourtant si mal payées,
- Mener des actions de comparaison des emplois pour démontrer à quel point les emplois féminins sont sous-valorisés.

Derrière la crise sanitaire, un autre drame se joue, celui de l’épidémie de troubles psychiatriques.
En effet les chiffres sont consternants. Un Français sur cinq souffre d’anxiété ou de troubles dépressifs, selon l’enquête CoviPrev, lancée en mars dernier par Santé Publique France pour suivre l’état mental de nos concitoyens.
20% des Français auraient sérieusement pensé à se suicider en 2020 selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès, un tsunami qui déferle alors que le secteur de la Psychiatrie est le grand oublié de notre système de soins, et de « ma santé 2022 ».
Les jeunes issus de la génération sacrifiée sont dans une grande détresse. La crise a mis en exergue les failles en terme d’accompagnement tant dans le système éducatif mais également dans la vision du lendemain et de la projection professionnelle.
Quelles perspectives d’avenir dans un pays qui ne nourrit pas sa jeunesse étudiante, pour qui se loger retourne de l’exploit, pour qui se soigner est la dernière de leurs préoccupations !
Pourtant ils vont payer un lourd tribut, frappés alors même qu’ils sont au cœur d’une période stratégique de leur vie, on leur a coupé les ailes et la crise fait exploser les inégalités entre ceux qui pourront être aidés par leur famille et les autres.
Avant le minimum vieillesse, créé dans les années 1970, les pauvres c’étaient les vieux ! Aujourd’hui, ce sont les jeunes !
Nous n’allons pas pouvoir faire l’économie d’un débat sur les politiques en faveur de la jeunesse, sur l’ouverture éventuelle du RSA aux 18-25 ans ou sur la création d’un revenu d’existence.
N’a-t-on pas assez d’économistes, de scientifiques et d’Enarques pour produire un plan d’accompagnement de notre relève ou tout simplement nous manque-t-il la volonté, cette volonté que nous, mutualistes nous mettons en œuvre dans toutes nos actions !

Cette crise a également été le théâtre d’une chasse aux sorcières où les complémentaires et de ce fait, les mutuelles ont été « lynchées » !
Selon le gouvernement une nouvelle taxe dite « taxe Covid » devrait rééquilibrer les prises en charges de l’état pendant la crise, mettant en avant les économies soit disant faites sur la population, ce qui lui permet d’acter la pérennité dans le PLFSS (Projet de loi de financement de la Sécurité sociale).

La fiscalité sur les cotisations représente 2,6 pts soit une augmentation de 1,5 MD€. Additionnée à la TSA (Taxe de solidarité additionnelle), l’ensemble de la fiscalité sur les complémentaires représente désormais plus de deux mois de cotisations.


La réalité est bien là : nos hôpitaux sont toujours sous-dotés, les agents sont épuisés et les usagers sont pris en otage par des politiques de casse de l’hôpital public. 25% des postes sont vacants, sans compter l’avalanche de démissions des professionnels à bout de souffle et sans issue visible d’un avenir tout simplement transparent.
L’indignation de la population face au tri des patients organisé pour le « droit à un lit de réanimation » est légitime, pourtant tout cela n’est pas nouveau. Malheureusement c’est un fait, dû aux manques de moyens financiers et humains qui s’est installé depuis bien des années, conséquences des lois successives.
Le Ségur de la santé, qualifié de « belle mascarade » n’aura eu comme effet d’annonce qu’une maigre revalorisation des salaires des hospitaliers et soyons clairs sans inclusion dans le calcul de la retraite !
Ce n’est pas de reconnaissance au balcon dont les personnels soignants ont besoin mais d’une réelle valorisation !

Alors revenons sur les 19 milliards pour les hôpitaux publics, annoncés par Le premier ministre Castex :
- 10 Md€ ne concernent pas l’investissement dans les hôpitaux,
- 6,5 Md€ mobilisés sur 10 ans seront pour la restauration de la capacité financière,
- 1,5 Md€ de crédits programmés sur 5 ans pour la rénovation des places en Ehpad et l’évolution de la prise en charge,
- 2 Md€ sur 3 ans dont 600 M€ pour l’espace numérique en Santé,
- 300 M€ étalés sur 10 ans dédiés à la modernisation de l’offre de soins pour les personnes en situation de handicap.

Restent 9MD€ au maximum étalés sur 10 ans, qui permettront de financer directement de nouveaux investissements dans les établissement de santé et en ville :
- 1,5 Md€ pour soutenir l’investissement courant des établissements,
- 6,5 Md€ pour appuyer des projets de transformation de l’offre de soins,
- 1 Md€ de réserve pour pallier les aléas sur 10 ans.

C’est donc 9 Md€ ... sur 10 ans !
900 M€ par an
Soit 14 € par habitant en pleine crise sanitaire et sociale !
Pendant ce temps les suppressions de lits continuent entre 2003 et 2017 - 69 OOO places d’hospitalisation à temps complet ont été supprimées, en 2018 - 4 000 lits, en 2019 - 4 000 lits .
Il nous faut poursuivre cette bataille culturelle autour de l’enjeu politique qu’est l’accès à la santé. Nous menons des campagnes et avons des liens très forts avec des organisations politiques afin que nous unissions nos forces pour notre bien le plus précieux « la défense de la sécurité sociale et l’accès aux soins ».

La loi de transformation de la fonction publique dite « loi Dussopt » de juillet 2019 vise à donner le coup de grâce !
En effet comment organiser un démantèlement et détricoter les statuts des 3 versants de la fonction publique.
Quelques rappels, cette loi prévoit le recours aux contractuels et contrats de projets, la modification du cadre du dialogue social avec la création d’un CSA (comité social d’administration) fusion des CT et CHSCT, la rupture conventionnelle, les sanctions disciplinaires harmonisées avec modification dans la composition des commissions administratives paritaires, l’incitation à la mobilité et au détachement d’office, le jour de carence (suspendu jusqu’au 1er juin pour les agents ayant effectué un test positif au SARS-Cov-2).
Et voilà que le gouvernement se préoccupe de la protection sociale des agents publics, mais la voie choisie n’est pas forcément celle du progrès.
L’état employeur est un mauvais payeur !
L’ordonnance du 17 février 2021, sur la PSC (protection sociale complémentaire) dans la fonction publique promeut le lancement d’appels d’offres à grande échelle avec des accords collectifs au niveau des partenaires sociaux.
Nous sommes bien là dans une concurrence déloyale ouvrant la porte aux pratiques plus que douteuses de prédateurs comme les courtiers d’assurances, qui va se faire au détriment des retraités, laissés sur le bord du chemin.
Nous mutualistes, nous revendiquons un modèle solidaire, nous avons œuvré avec la Fédération des Mutuelles de France pour produire un argumentaire afin d’éclairer sur les conséquences de l’installation de ce dispositif :

- Dispositif de « labellisation » pour identifier les vrais acteurs solidaires,
- Prise en charge des soins d’un bon niveau requise pour entrer dans le label,
- Laisser le libre choix à l’agent,
- Part de l’employeur évaluée en proportion de la cotisation et valeur absolue,
- Inclure la solidarité intergénérationnelle,
- Maintien des dispositifs historiques comme les soins gratuits et le CGOS,
- Modalités de sélection des offres clairement définies,
- Permettre au dialogue social de s’exprimer et aux organisations syndicales de jouer leur rôle,
- Prise en charge de la prévoyance à hauteur de 50% par l’employeur.

Des points de vigilance sont à noter concernant l’avantage en nature que pourrait imputer un employeur public sur la fiche de paie, impactant directement le pouvoir d’achat des agents.
Concernant la prévoyance, rien n’est clair à ce jour sachant que le CGOS a été pointé par la cour des comptes sur sa branche action sociale n’ayant pas l’agrément requis sur ce dispositif.

Néanmoins la priorité est de maintenir une Sécurité sociale de haut niveau pour tous les assurés sociaux comme tous les agents de la fonction publique.
Ce n’est pas porté par les pensées libérales qui préconisent la suppression des cotisations sociales sous prétexte d’augmenter les salaires.
A l’heure du besoin croissant de solidarité d’autres prônent l’individualisme.

Il ne faut pas que cette réforme accroisse les injustices sociales et les inégalités.

Nous devons nous organiser pour défendre et promouvoir notre projet mutualiste d’une société plus juste, plus démocratique, plus respectueuse des libertés publiques et des droits humains. Une société où la santé est sortie du secteur marchand et où la protection sociale est réellement universelle.
Au sortir du Congrès des mutuelles de France, il nous reste à peaufiner la feuille de route 2021-2023.
Autour de 4 axes :
- Pour l’accès de tous à la protection sociale
- La santé pour tous,
- Promouvoir la citoyenneté en santé dans une société démocratique,
- L’économie sociale et solidaire, levier du changement.

Des temps d’échanges au sein de la Délégation Territoriale (DT) sont d’ores et déjà mis en place pour permettre à chacun d’amener sa propre analyse, ses propositions et son expertise personnelle du terrain.
Deux conférences sont organisées, basées sur la vision et le parcours des migrants, l’économie sociale et solidaire à travers les actions de terrain des militants d’associations.
C’est aussi la construction de propositions et d’argumentaires dans le cadre des campagnes électorales successives déterminantes que nous allons ainsi interpeller nos élus pour contribuer et amener notre vision des militants mutualistes.
Il est primordial que nous gardions à l’heure des directives Européennes et de la règlementation Solvabilité II à laquelle nous sommes assujettis, notre image de mutuelle militante.
Cette notion d’acteur du mouvement social c’est ce qui fait de nous, de notre Mutuelle ce que nous sommes et c’est pourquoi nous continuerons à porter haut et fort nos valeurs de solidarité et d’entraide !
Prenez soin de vous