Sécu à 100% et ... une vraie mutuelle !
Tribune de Jean-Paul Benoit dans le journal l'Humanité
Jean-Paul Benoit, président de la Fédération des mutuelles de France, a été invité à réagir aux prises de positions de plusieurs intellectuels prônant la disparition des mutuelles pour permettre une
Sécu à 100 % et... une vraie mutuelle !
Dans le cadre de la campagne électorale de bonnes âmes s’inquiètent de l’avenir des mutuelles. Certains les voient disparaître faute d’activité dès que la Sécurité Sociale sera à 100 %, d’autres les verraient bien fusionner avec la sécu. Ces deux propositions ont un grand mérite : la simplicité. Elles ont un défaut bien plus grand, un simplisme qui méconnaît totalement la réalité de la protection sociale en général et des mutuelles en particulier.
Les mutuelles santé sont le regroupement de personnes pour répondre à leurs besoins de santé. Le financement des soins est une condition nécessaire à l’atteinte de cet objectif, mais pas suffisante. Au-delà des soins, être et rester en bonne santé dépend de beaucoup d’autres facteurs, des conditions de vie, de travail, d’hygiène, jusqu'à l’accès à la prévention. Même si l’on reste sur la question des soins, leur seul financement n’en garantit pas l’accès.
L’accès aux soins, c’est d’abord la disponibilité de l’offre de soins : hôpital de proximité, remplacement du médecin généraliste qui part à la retraite, liste d’attente chez le spécialiste..., mais aussi prise en charge de la perte d’autonomie, coordination du parcours de soins. Dans tous ces domaines les mutuelles interviennent déjà, notamment grâce à leurs services de soins et d’accompagnement.
C’est pour cela que les vraies mutuelles, contrairement aux autres acteurs de la complémentaire santé, ne redoutent pas la progression de la couverture par la sécurité sociale. Depuis des décennies la mutualité s’oppose à la dégradation des remboursements des soins et réclame une assurance maladie obligatoire au plus haut niveau. Pour nous le recul de la solidarité nationale n’est pas une opportunité d’augmentation de « la matière assurable », il compromet la réalisation de ce qui est notre véritable raison d’être : l’accès à la santé.
100 % sécu sans tarifs opposables n’a pas de sens
Mais attention, la question est trop sérieuse pour tolérer l’inconséquence. Promettre demain on soigne gratis et ne pas expliquer comment est irresponsable. Pour beaucoup de soins, le « tarif sécu » ne correspond plus à la réalité de la dépense imposée aux assurés sociaux. Les dépassements d’honoraires des médecins représentent plus de 2,6 milliards d’euros. Mais il ne s’agit que de la partie immergée de l’iceberg. En tout, les dépassements de tarifs ce sont 15 milliards par an.
C’est parce qu’il n’y a plus de tarifs opposables que les assurés sociaux bénéficiant d’un « 100% » du fait d’une affection de longue durée ont un reste à charge beaucoup plus élevé que la moyenne ; pour cela qu’un bénéficiaire de la CMU sur cinq renonce à des soins ; pour cela toujours que les couvertures complémentaires à 100% du tarif sécu sont désormais considérées comme « bas de gamme ». Dire une sécu à 100% sans aborder la question des tarifs opposables n’a pas de sens.
Une vraie couverture sécu à 100% permettrait aux mutuelles de se consacrer à la réalisation de toutes les autres conditions de la réduction des inégalités d’accès aux soins et à la santé. Mais que personne ne compte sur nous pour accompagner des slogans creux. Le sujet mérite des propositions sérieuses, à commencer par une maitrise des tarifs et de l’organisation du système sanitaire. Passer les élections, les mutuelles continueront à assumer la responsabilité de permettre au plus grand nombre de se soigner. Les militants mutualistes resteront avant tout des militants de la sécurité sociale et s’opposeront à tout déremboursement, que l’on qualifie le risque de grand ou de petit.
Jean-Paul Benoit
Président de la Fédération des Mutuelles de France